La différenciation est un objectif dont on entend désormais de plus en plus parler à travers projets Ecole numérique, programmes disciplinaires et plans d’excellence pour l’enseignement. Si plusieurs enseignants la pratiquent déjà dans leurs cours, singulièrement dans certaines options du qualifiant ou dans les écoles spécialisées, cela reste encore une vraie gageure  pour beaucoup d’autres, nous semble-t-il, singulièrement dans l’enseignement général. Quoi qu’il en soit, dans tous les cas, il semblerait bien que le numérique et les outils d’intelligence artificielle facilitent de plus en plus le travail des enseignants. Adaptive Learning, un rêve? Vérification à travers quelques disciplines?

1. Oscar, l’assistant numérique du prof de math

Nous pourrions, bien entendu, évoquer à nouveau les outils de résolution d’équation; ils sont nombreux, qui à l’instar de l’outil Microsoft compris dans OneNote, proposent à l’étudiant une résolution d’équation, étape par étape…

Mais il n’est pas forcément nécessaire de sortir de Belgique ni de se rendre jusqu’à la Silicon Valley pour découvrir des entreprises qui proposent des outils pédagogiques basés sur l’intelligence artificielle. Eureduka, une asbl bruxelloise, propose depuis un certain temps Oscar, un outil d’évaluation et de différenciation pour les professeurs de math.

Là où d’autres insisteraient sur une différenciation des pratiques selon le style d’apprentissage de l’élève, ce qui, aux dires de certains chercheurs, semble très loin d’être bénéfique pour ce dernier, Laurent Fourny et son équipe insistent davantage sur une analyse précise du niveau de maîtrise des prérequis qui sont propres à un objet d’enseignement. Leur outil est donc construit en conséquence…

Sur base d’un graphe orienté représentant toutes les notions mathématiques développées dans le primaire et le secondaire, ainsi que les liens qu’elles entretiennent entre elles, Oscar dresse ainsi l’état des compétences d’un élève et lui dessine sur mesure un programme adapté à son niveau.

Chaque étudiant, de la primaire au secondaire, quelle que soit la section à laquelle il appartient, peut ainsi observer à tout moment l’état de ses connaissances comme de ses lacunes et s’adapter en conséquence.

Concrètement, comment cela fonctionne? Pour le professeur, il suffit de se créer un compte sur le site. Cela fait, il peut ajouter ses classes virtuelles et y inscrire ses élèves : un identifiant et un mot de passe seront automatiquement générés par Oscar. A charge du professeur de les communiquer aux apprenants concernés…

Une fois la classe active, l’enseignant a le choix entre deux activités, créer une séquence de cours ou un test: la séquence de cours peut contenir des images, de la vidéo, du texte ou encore un fichier PDF, elle doit évidemment se concentrer sur une compétence spécifiée ; le test, quant à lui, repose sur des habiletés que l’enseignant sélectionne, qu’il s’agisse de prérequis ou de compétences associées à leurs prérequis. Pour ces derniers, l’évaluation est importante en début de période scolaire, afin de dresser un diagnostic du niveau de l’apprenant; pour une évaluation des compétences seules, leur acquisition se vérifie en cours de période tandis que pour une évaluation complète à la fois des compétences et des prérequis, les concepteurs d’Oscar recommandent un test en fin de période.

Toutes les habiletés mathématiques identifiées par l’équipe de Laurent Fourny et Luc Cooremans ne jouissent pas encore de ressources ; il n’existe pour l’instant pas, par ailleurs, de partage possible des activités vers des classes virtuelles comme Teams de Microsoft ou Google Classroom. Ceci dit, l’outil Oscar est vraiment prometteur et ne demande qu’à susciter l’intérêt collectif des professeurs de math…

D’ores et déjà, l’équipe d’Oscar invite les enseignants à enrichir activement leur plateforme dès cet été: pour ce faire, ils offriront avant la fin juin la possibilité de placer des ressources éducatives (PDF, vidéos, images, animations Géogebra, etc.) et de les associer à une compétence ou à un chapitre (‘wikimath’)…


2. Outils pour le français

Jusqu’à présent, je n’ai pas encore trouvé d’outils aussi riches et aussi ambitieux qu’Oscar. Il existe cependant toute une série d’outils ia qui méritent une certaine attention à défaut de favoriser la différenciation dans nos classes. Petite parenthèse, donc…

Plusieurs plateformes d’intelligence artificielle génèrent des résumés de texte qui sont plus ou moins convaincants: Resoomer ou SummarizeThis contractent en quelques secondes un texte mais sans vraiment respecter la hiérarchisation des idées.

D’autres outils comme Neurospell partent des énoncés proposés par le scripteur et émettent des suggestions orthographiques et syntaxiques qui sont autant de corrections possibles. Pas mal:

Tout aussi intéressants, des outils d’analyse lexicologique cernent rapidement et efficacement le champ lexical d’un extrait littéraire. Voyant Tools se révèle à cet égard des plus puissants:

Mentionnons enfin de nombreux bots qui permettent aux professeurs et aux élèves de générer de la poésie ou de la prose à partir d’un algorithme. Nous renvoyons à l’article que le Café pédagogique consacre au travail de Johanna Marques…

Ce chapitre suppose une réécriture qui dépendra des outils de différenciation que nous découvrirons à l’avenir…

3. Outils pour les langues modernes

Les professeurs de langues modernes disposent d’une panoplie d’outils à leur disposition sur le web. Nous en avions déjà recensé quelques-uns ici et là… On ne peut que répéter à quel point nous sommes toujours émerveillés par Deepl, outil de traduction immédiate. Nous bénéficions aujourd’hui du travail de veille de membres de l’Académie de Nice qui proposent dans un riche Genially différents outils de différenciation.

Parmi tous les outils décrits, plusieurs plateformes (gratuites … au départ) proposent des documents dont la complexité et la longueur sont proportionnelles au niveau de l’apprenant…

  • English Central concentre des vidéos réparties selon huit niveaux de difficulté. Watch, learn, speak! Ces vidéos sont sous-titrées en anglais: chaque mot est enrichi d’un lien, ce qui nous permet de découvrir sa prononciation, d’en lire la définition et de découvrir un exemple d’utilisation. Quatre rubriques structurent notre découverte d’une vidéo: après la vision de celle-ci, tout un chacun peut acquérir les mots-clés contenus dans cet extrait vidéo, il peut aussi travailler l’expression orale, voire entrer en contact avec … un professeur particulier. L’accès, on le devine, est payant…
  • Newsela, similaire au service précédent, contient toute une banque de textes dont le nombre de lignes et la complexité des phrases peuvent être réduits ou augmentés selon la volonté de l’apprenant. Trois activités interagissent avec la lecture de l’article : l’acquisition du vocabulaire, l’écriture d’un résumé et des questions de compréhension à la lecture. A la différence de l’outil précédent, Newsela contient des options de partage dont une intéressante intégration à Google Classroom, la classe virtuelle de Google. Le service devient, hélas, vite payant…
  • Toujours dans le même registre, Rewordify simplifie un texte que l’on a au préalable collé dans un encart prévu à cet effet. Mieux! Outre le fait que chaque terme s’enrichit d’un lien contenant ses acceptions diverses, le site propose des exercices pour acquérir le vocabulaire difficile sous la forme de flashcards ; last but not least, les curieux pourront même découvrir des statistiques assez poussées sur les diverses natures de mots employés dans le texte… Attention, toutefois, la version… gratuite n’accepte pas de copiers-collers au-delà de 10.000 caractères…
  • Je terminerai en force par CommonLit, assez proche dans l’esprit de Newsela mais … gratuit. La plateforme, en lien direct avec Google Classroom, propose un florilège de textes de tous niveaux: professeurs et élèves disposent pour chaque paragraphe d’une lecture audio et d’une traduction possible. Mieux, lorsque l’enseignant assigne ce texte à l’élève, il peut activer le mode de lecture guidée: une partie du texte restera floutée tant que l’apprenant n’aura pas répondu correctement à une question de compréhension…

 

On le voit et on le découvre sans cesse, quelles que soient les disciplines observées – je n’oublie pas les sciences et les labos virtuels… – les outils numériques, d’Oscar à CommonLit, ne manquent pas pour qui veut engager les élèves dans un apprentissage qui prend en compte le niveau et le rythme de chacun.